samedi 20 juin 2015

L’entraîneur argentin, un produit d’exportation convoité

mediaL'entraîneur argentin de l'Atlético Madrid Diego Simeone, le 2 mai 2015 sur la pelouse du stade Vincente Calderon à Madrid.AFP PHOTO/ JAVIER SORIANO
Six des douze équipes nationales qui disputent actuellement la Copa América 2015 au Chili sont dirigées par des sélectionneurs argentins. Le pays de Lionel Messi produit de grands joueurs, mais aussi de brillants entraîneurs. Explications.
La Copa América, l'équivalent de l'Euro de football ou de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) pour le continent américain, a démarré le 11 juin au Chili. Presque centenaire (la première édition a eu lieu en 1916), la compétition, qui réunit les meilleures équipes des Amériques, est la plus ancienne du monde dans le genre. À l’issue de la finale, qui se jouera au stade Monumental de Santiago le 4 juillet, on connaîtra le successeur de l’actuel champion en titre, l’Uruguay, couronné en 2011 à Buenos Aires.
L'Argentine de Lionel Messi, finaliste du Mondial 2014 au Brésil, est favorite, devant la seleçao et une roja chilienne qui voudrait rester maître chez elle. Mais, même si l’albiceleste ne gagnait pas la Coupe, il y aura peut-être au moins un Argentin pour fêter la victoire d'un autre pays. En effet, sur les 12 sélections nationales présentes, six sont entraînées par des Argentins : l’Argentine, bien sûr (Gerardo « Tata » Martino), le Chili (Jorge Sampaoli), la Colombie (José Néstor Pekerman), l’Équateur (Gustavo Quinteros), le Paraguay (Ramón Díaz) et le Pérou (Ricardo Gareca).
La présence de directeurs techniques argentins à la tête d’autres sélections latino-américaines n’est pas un fait nouveau. Le précédent le plus ancien remonte à 1921, avec José Laguna, pour la première présentation du Paraguay en Copa América. Lors de l’édition 1989, les Paraguayens étaient encore entraînés par un argentin (Eduardo Manera), ainsi que les Vénézuéliens (Horacio Moreno). Avec Carlos Bilardo pour l’albiceleste, cela en faisait trois. Même chose en 2011, quand Martino dirigeait le Paraguay, Quinteros la Bolivie et Sergio Batista le sélectionneur du onze de son pays. Mais six sur douze comme cette année, c’est sans précédent.
Diego Simeone et Marcelo Bielsa
À l’évidence, l'entraîneur argentin s'exporte bien, d’abord aux Amériques où, du Mexique au Chili, des centaines de directeurs techniques ont fait la gloire des plus grands clubs. Mais aussi sur d'autres continents, comme en Europe, où sont particulièrement en vue aujourd’hui Diego  Simeone (Atlético Madrid), Eduardo Berizzo (Celta de Vigo), Mauricio Pochettino (Tottenham) ou encore Marcelo « El loco » Bielsa (Olympique de Marseille).
Avant eux, d’autres directeurs techniques avaient fait la réputation des entraîneurs argentins sur les terrains européens. Parmi les plus grands, Helenio Herrera et Luis Carniglia. Le premier a joué en France dans les années 60 avant de gagner comme directeur technique quatre championnats d’Espagne (deux avec l’Atlético Madrid et deux avec le FC Barcelone) et d’atteindre la gloire en Italie avec l’Inter Milan (trois scudetto, deux coupes d’Europe et deux coupes intercontinentales). Le second a également évolué en France, où il a gagné le championnat en tant qu’entraîneur avec Nice, de même qu’en Espagne avec le Real Madrid, à qui il a aussi offert deux titres de champions d’Europe dans les années 50.
On pourrait encore citer, entre autres entraîneurs qui ont laissé leur empreinte aux Amériques ou en Europe, Néstor Rossi, Alfredo Di Stéfano ou Juan Carlos Lorenzo. Plus récemment, avec le développement du football à l’échelle mondiale, on a vu des directeurs techniques argentins sur d’autres continents, en particulier en Asie et au Moyen-Orient, où clubs et fédérations nationales ont beaucoup investi pour hisser leur niveau de jeu, mais aussi en Afrique, comme Héctor Cúper et Esteban Becker, qui se sont opposés le 26 mars dernier au Caire lors la rencontre Égypte-Guinée équatoriale (2-0 pour les Pharaons). Ils seraient plus de cent sur les cinq continents à l’heure actuelle.
L'Argentine pionnière du football sud-américain
C’est entendu, les coachs argentins sont bons et de plus en plus sollicités un peu partout dans le monde. Mais pourquoi ? Affaire d’histoire et de tradition, d’abord. C’est par Buenos Aires que le football a été introduit en Amérique du Sud (et plus généralement sur le continent américain) dès la fin du XIX° siècle. La fédération argentine est née en 1891 et le pays s’est doté de structures professionnelles bien avant de nombreuses nations européennes. C’est ainsi, comme le dit Walter Vargas, journaliste et auteur de plusieurs livres sur le football, « que le directeur technique moderne, tel qu’on le connaît aujourd’hui, avec des fonctions bien définies, est né en Argentine ».
Cela a rapidement contribué à forger la réputation des techniciens argentins au niveau international et si, depuis, les Européens les ont sans doute rattrapés et peut-être même dépassés pour ce qui de la formation, « la différence se fait encore sentir en Amérique latine ». Ce qui explique, toujours selon Vargas, « qu’ils soient tant recherchés dans la région. »
« On reconnaît aussi aux entraîneurs argentins, ajoute-t-il, des qualités particulières en ce qui concerne la motivation des joueurs, un œil clinique sans égal pour tirer le maximum de leur potentiel technique, ainsi qu’une grande créativité. » On peut également leur reconnaître des capacités d’adaptation remarquables, comme le prouve leurs succès aux quatre coins du monde dans des environnements culturels très variés et souvent éloignés de celui de leur pays d’origine. Il est vrai que, venant d’Argentine, ils sont habitués au changement et qu’ils se forment dans un championnat cruellement compétitif, où un entraîneur qui ne remplit pas les objectifs de la direction du club est remercié après trois ou quatre matches seulement.
Quelles qu’en soient les raisons, leur savoir-faire est indéniable et il a notamment contribué à améliorer le niveau de jeu dans toute la région. De sorte que les trois grandes nations traditionnelles du football sud-américain, Argentine, Brésil et Uruguay, n’y font plus la loi comme avant. On peut le constater dans cette Copa América 2015, y compris pour des équipes non dirigées par des entraîneurs argentins, mais dont le football est désormais marqué par les enseignements qu’ils y ont laissé.

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