vendredi 6 février 2015

CAN 2015: le match Ghana-Guinée équatoriale vire au fiasco

media Le gardien de but ghanéen Razak Braimah protégé des projectiles par la police équato-guinéenne, en demi-finale de la CAN 2015 AFP PHOTO / ISSOUF SANOGO
La demi-finale de Coupe d’Afrique des nations 2015 de football entre les équipes du Ghana et de Guinée équatoriale (3-0) a viré au fiasco ce 5 février à Malabo. Le match a été interrompu pendant plus d’une demi-heure suite aux interminables jets de projectiles sur l’arbitre, les joueurs ghanéens, ainsi que leurs supporters.
De notre envoyé spécial à Malabo,

Un hélicoptère de la gendarmerie équato-guinéenne fait du surplace quelques mètres au-dessus de la tribune Est de l’Estadio de Malabo. Certains spectateurs dévalent les marches et se précipitent vers la sortie du stade, effrayés par l’engin. D’autres, au contraire, foncent vers le sommet des gradins pour bombarder l’appareil de projectiles en tous genres. Cette scène surréaliste ne se déroule pas à la fin d’un meeting politique qui a mal tourné. Elle se passe au beau milieu d'une demi-finale de Coupe d’Afrique des nations de football.
Intervention d'un hélicoptère
La rencontre entre les équipes du Ghana et de la Guinée équatoriale a basculé à la 40e minute de jeu, lorsque l’arbitre gabonais a sifflé un penalty en faveur des Ghanéens. Le public crie à l'arnaque, à l'injustice. Une première bouteille d’eau s’écrase sur la piste d’athlétisme qui entoure la pelouse. Puis une deuxième. Puis une troisième… Leur fracas brise le silence qui a suivi le but du Ghana.
Les Black Stars marquent ensuite une deuxième fois, juste avant la mi-temps. Les ennuis ne font que commencer, ce 5 février 2015 dans la capitale de Guinée équatoriale…
Les supporters ghanéens se réfugient sur la pelouse

A la pause, l’arbitre Eric Otogo et ses assistants quittent le terrain sous les boucliers de la police. Ils sont bientôt imités par les joueurs ghanéens qui regagnent les vestiaires sous escorte, par petits groupes. Cette fois, ce sont des canettes et des pierres qui s’abattent sur l’aire de jeu. Les joueurs équato-guinéens appellent le public au calme. En vain.
La partie reprend. L’arbitre reste pourtant intraitable. A la moindre petite faute, il siffle, au risque d’envenimer la situation. La pluie de projectiles redouble. Le match doit être interrompu peu après que le milieu de terrain ghanéen André Ayew a porté le score à 3-0 (75e). Dans la foulée, les supporters du Ghana, pris à partie, forcent une grille pour se réfugier au bord du terrain. Certains tentent de se protéger des jets. D’autres dansent devant les tribunes en guise de provocation…
Un supporter du Nzalang réussit à pénétrer sur la pelouse. Après un moment d’hésitation, il fonce vers l’arbitre mais est intercepté juste à temps par des agents de sécurité. Le speaker du stade appelle au calme. « Arrêtez s’il vous plait ! La Guinée équatoriale va être sanctionnée ! » Sans effet. « Ça ne s’est pas passé comme ça lors des matches à Bata ! » Sifflets. « La CAF (Confédération africaine de football, NDLR) va sanctionner la Guinée équatoriale ! » Gigantesque bronca dans le stade.
« Pff, c’est une honte, une put… de honte ! » hurle un trentenaire, maillot de l’équipe nationale sur le dos. « Arrêtez, vous êtes fous ou quoi ?! » exhorte une jeune femme à l’adresse de ceux qui balancent des pierres depuis la tribune au-dessus. Finalement, la police investit les gradins et commence à tirer des gaz lacrymogènes.
Javier Balboa incrimine l’arbitre gabonais

Les joueurs, eux, restent au centre du terrain, hors de portée. Les Equato-Guinéens entament alors une discussion animée avec les organisateurs du tournoi. Les joueurs du Nzalang Nacional veulent que la rencontre aille à son terme. Ils se dirigent vers la tribune Est. Emilio Nsue Lopez, le capitaine de l'équipe, invite le public à se calmer. « S’il vous plait ! S’il vous plait ! Stop ! » s’époumone de son côté le défenseur Rui. « Mais c’est pas possible, c’est pas vrai ! » lit-on sur les lèvres de l’attaquant Ruben Belima.
Quelques minutes plus tard, la partie reprend bel et bien pour une poignée de minutes. Mais dans un stade quasiment vidé. Au coup de sifflet final, les joueurs se tapent dans les mains et se donnent l’accolade, en geste de solidarité.
Plus tard, en zone d’interview, l’attaquant vedette du Nzalang, Javier Balboa, revient sur ces débordements. Celui qui avait bénéficié d'un penalty imaginaire en quart de finale face à la Tunisie, met pourtant en cause le choix d’un arbitre gabonais, forcément partial à ses yeux (1). Puis il lâche : « Je demande pardon pour ce qui s’est passé. Ce n’est pas un comportement adéquat. […] Je comprends l’attitude du public, mais je ne la justifie pas. Je n’excuserai jamais les comportements violents. »
En ville, les routes sont jonchées de détritus, d’arbustes arrachés, de pavés déchaussés, de poubelles renversées. L’équipe de Guinée équatoriale est censée disputer le match pour la troisième place de la CAN 2015, face à la RDC, le 7 février. Toujours à Malabo. La CAF et les autorités locales pourront-elles se prémunir d’une nouvelle débâcle, dans deux jours ?
(1) Le Gabon est voisin et rival de la Guinée équatoriale. L’équipe gabonaise a été éliminée de la CAN 2015 par celle de Guinée équatoriale.

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